Vous êtes des ressortissants étrangers, comment prendre rendez-vous en préfecture ?
Obtenir son rendez-vous dans l’objectif de déposer une demande au service des étrangers au sein de certaines préfectures est devenu un parcours de combattant. Les guichets sont de moins en moins ouverts au public et il est difficile d’obtenir en tant qu’étranger un titre de voyage ou toute autre pièce similaire. Dans ces conditions, que faire ?
Essayer d’obtenir un rendez-vous et assembler toutes les preuves des tentatives
Si vous devez prendre le rendez-vous en ligne, il vous faudra en cas d’échec, réessayer tous les jours si possibles, et à différentes heures afin d’obtenir le rendez-vous. Durant chaque tentative, il faudra appuyer plusieurs fois sur la touche F5 de votre clavier afin de « rafraîchir la page ». Cela vous permettra peut-être d’obtenir de nouvelles plages de rendez-vous disponibles. Surtout, faites des captures d’écran dans le but de garder des preuves de chacune de vos tentatives infructueuses. Doivent figurer sur votre image capturée l’adresse URL du site de prise de rendez-vous. On doit y voir également la date ainsi que l’heure de la capture d’écran en plus du texte qui indique qu’aucun rendez-vous n’est disponible pour cette démarche.
N’oubliez pas que les captures d’écran réalisées sur un téléphone portable n’incluent pas en général la date et l’heure ! Si vous n’êtes pas en mesure de configurer votre téléphone de sorte à afficher ces informations, il est conseillé de faire ces captures depuis votre ordinateur. La manière dont vous pourrez procéder est fonction des systèmes informatiques utilisés. Certains claviers incluent la touche « Imp écran » ou « Imp écr » ces touches permettent d’effectuer rapidement la capture d’écran. Lorsque vous appuyez sur ces touches, ouvrez un document de type Word ou Open office et faites « coller ». L’image copiée apparaîtra et vous pourrez l’enregistrer en document.
Si cette touche est absente ou ne fonctionne pas, la même opération peut certaines fois être réalisée par un « clic droit » sur la souris. Vous choisirez ensuite l’option « Effectuer une capture d’écran ». Sous Windows, la majorité des ordinateurs disposent de l’« outil capture » qui permet de sélectionner manuellement la zone que vous désirez capturer. Il en est de même sur un ordinateur qui est configuré sous Ubuntu. Il y a aussi la possibilité d’utiliser un outil appelé « gnome-screenshot » ou « capture d’écran ». La capture que vous aurez enregistrée dans un document texte, image ou PDF, sera à sauvegarder et constituera une des pièces du dossier pour un recours.
Au bout de quelques essais infructueux d’obtention de rendez-vous en ligne, il est conseillé d’envoyer un mail au service dit « étranger » de la préfecture. Cet envoi ne garantira pas du tout que le rendez-vous vous sera donné. Il permettra par contre de montrer que vous avez fait tout ce que vous pouviez afin d’obtenir votre rendez-vous. Vous pourrez répéter l’envoi de mail plusieurs jours de suite et plusieurs fois par semaine.
Dans le message que vous enverrez par e-mail, il vous faut indiquer l’objet de votre démarche. Vous pourrez mettre par exemple « demande de titre de séjours ». Vous devrez expliquer que vous avez essayé, sans succès, à telle et telle date, de prendre un rendez-vous par internet. À cela vous pourrez joindre quelques captures d’écran réalisées. Vous devrez demander qu’un rendez-vous vous soit donné, par e-mail ou par courrier. Vous ne devrez pas oublier de mentionner vos nom, prénom, lieu et date de naissance, nationalité, adresse e-mail et adresse postale en plus de votre numéro d’étranger si vous en avez déjà un. Si au bout de quelques jours vous n’avez pas de retour, il faudra contacter la préfecture par lettre recommandée avec accusé de réception.
Dans la majorité des cas, la réponse sera le renvoi du courrier et l’indication que les rendez-vous se prennent en ligne. Par contre, vous aurez une preuve de plus de vos tentatives. Il faudra que le courrier comporte les mêmes informations que celles mentionnées ci-dessus pour l’envoi d’un e-mail. Là encore, il est bien de joindre quelques preuves des tentatives que vous avez faites de prendre rendez-vous par internet et par e-mail en imprimant ces éléments. Il faudra penser à dresser dans le courrier la liste des pièces jointes. Indiquez par exemple « vingt captures d’écran réalisées entre le 1er et le 20 janvier 2020 », un mail adressé le 15 janvier, etc. Vous devrez aussi conserver une copie de ce courrier et de son accusé de réception.
Après cela, rendez-vous à la préfecture. Même dans les préfectures qui avertissent que les personnes ne sont pas accueillies au guichet sans rendez-vous, cette démarche ne sera pas inutile. Elle ne vous permettra pas d’obtenir le rendez-vous désiré. Par contre, elle constituera un élément de plus pour montrer que vous avez tout tenté pour obtenir ce rendez-vous. Dans cet objectif, est bien de vous faire accompagner par une tierce personne afin de témoigner, le cas échéant, du refus de l’agent préfectoral de vous accorder un rendez-vous. À l’issue de cette tentative, la personne devra rédiger une lettre attestant qu’elle vous a accompagnée tel jour à telle heure à la préfecture dans le but d’obtenir un rendez-vous pour déposer votre demande. Elle devra également préciser les circonstances du refus. Elle devra joindre une copie d’une pièce d’identité ou d’un titre de séjour.
Vous pourrez également demander la médiation d’un délégué du défenseur des droits. Le délégué local du Défenseur des droits pourra alors intercéder en votre faveur pour obtenir votre rendez-vous.
Vous pourrez aussi obtenir votre rendez-vous au plus tôt en vous rendant sur https://rdvprefecture.com qui est à ce jour l’un des meilleurs sites internet qui vous permettent d’obtenir votre RDV au plus tôt en vous offrant un service d'alerte illimité par sms et email.
Envoyer un recours au tribunal administratif
Vous pourrez essayer un recours dès que vous disposez de plus d’une semaine de preuves. Ce délai, qui peut sembler très court résulte d’une décision rendue le 10 juin 2020 par le Conseil d’État. Ce conseil a considéré que lorsqu’un rendez-vous doit être obtenu par internet pour demander un titre de séjour, une personne qui prouve qu’elle n’y parvient pas après plus d’une semaine de tentatives peut saisir le juge administratif en « référé mesure utile ». Toutefois, chaque juge reste libre d’apprécier si une situation individuelle est urgente ou non.
La procédure de référé « mesures utiles », qui est à engager devant un tribunal administratif, s’appelle ainsi parce qu’elle permet au juge d’ordonner rapidement à l’administration de prendre une « mesure utile » qui ici est un rendez-vous). Le juge convoque donc une audience sous 15 à 30 jours et en cas de décision favorable, ordonne à la préfecture de fixer un rendez-vous, qui est le plus souvent sous 15 jours. Le tribunal va alors prendre en compte les éléments qui démontrent que l’administration n’a pas répondu aux demandes qui lui ont été faites. Pour engager cette procédure, il est préférable d’avoir l’assistance d’un avocat, bien que ce ne soit pas obligatoire parce que tout le monde peut ainsi déposer lui-même ce type de référé au tribunal.
L’aide juridictionnelle (AJ), qui permet la prise en charge par l’État de tout ou partie des frais de justice, peut être accordée pour cette procédure aux personnes en situation régulière. Les personnes sans titre de séjour doivent justifier de l’intérêt de leur recours pour obtenir l’aide juridictionnelle.
Si vous ne connaissez pas d’avocat⋅e acceptant de travailler à l’AJ, rapprochez-vous d’associations qui pourront vous donner des noms et coordonnées. À noter qu’une association peut être intervenante volontaire dans la procédure aux côtés de la personne qui présente la demande.
La requête présentée au tribunal doit apporter la preuve de l’urgence, de l’impossibilité d’obtenir le rendez-vous et aussi du caractère sérieux de la demande. Lorsque vous désirez renouveler un titre de séjour, il est facile de démontrer l’urgence. Il faut simplement expliquer que votre titre de séjour est arrivé, ou arrive très prochainement, à expiration, ce qui vous expose à de nombreuses pertes de droits déjà acquis, à la perte de votre emploi. Si vous demandez la délivrance d’un premier titre de séjour, la situation est plus compliquée, mais loin d’être impossible. Il faut insister sur le fait que puisque vous êtes en situation irrégulière, vous êtes exposé à des risques d’interpellation, voire d’expulsion, en cas de contrôle de police.
Selon votre situation, vous pourrez aussi expliquer que l’impossibilité d’obtenir le rendez-vous en préfecture est susceptible de vous faire perdre plusieurs avantages. L’emploi qui vous est promis ou votre logement, la possibilité de subvenir aux besoins de vos enfants ou de bénéficier de prestations sociales. Si vous demandez une naturalisation, il est extrêmement difficile, voire quasiment impossible, de démontrer une urgence et donc d’avoir gain de cause au tribunal. Enfin, vous devez aussi expliquer, pour démontrer l’urgence, que vous avez essayé à de nombreuses reprises d’obtenir un rendez-vous sans succès.
Le juge administratif n’est pas compétent pour dire si votre demande de titre de séjour est pertinente, si la préfecture doit ou non vous délivrer tel ou tel titre de séjour ou document. Il va en revanche dire si la préfecture est ou non dans son tort en ne permettant pas que votre dossier soit déposé et votre demande examinée. Le cas échéant, il ordonnera à la préfecture de vous fixer un rendez-vous.
Ce à quoi il faut s’attendre après l’envoi du recours
Après avoir saisi le tribunal, vous pouvez gagner comme vous pouvez perdre. Vous pouvez gagner de deux façons. Il arrive très souvent que la préfecture propose, avant l’audience, une date de rendez-vous, pour éviter une condamnation par le juge. C’est une forme de victoire ! Le juge prononcera un « non-lieu à statuer ». Toutefois si la date proposée est trop lointaine, d’autres recours sont possibles. On vous conseille, dans ce cas, de prendre contact avec une association ou un avocat. Le juge peut aussi convoquer une audience, et vous donne de plus raison. Dans ce cas, il rend une décision qui vous est communiquée ainsi qu’à la préfecture, enjoignant au préfet de vous délivrer un rendez-vous. Le plus souvent, il fixe un délai maximal pour ce rendez-vous. Rarement, le juge condamne la préfecture de payer une amende pour chaque journée passée dans l’attente de la convocation. Souvent, il la condamne à payer des frais à l’avocat·e, si vous en avez désigné un.
Il arrive parfois que la décision du tribunal ne soit pas respectée par l’administration, qui ne donne alors pas de rendez-vous à la personne. Dans un tel cas, il est vivement recommandé de se rapprocher d’une association ou de son avocat. Celle-ci ou celui-ci va informer le juge que sa décision n’a pas été exécutée et lui demander de prononcer une astreinte par jour de retard. Il peut s’agir par exemple du paiement de 100 € par jour par la préfecture jusqu’à ce qu’elle donne le rendez-vous demandé.
Comme dit plus tôt, vous pouvez également « perdre » de deux manières. Si le ou la juge considère que le recours n’est absolument pas convaincant, il le rejette sans même convoquer une audience. Le tribunal peut aussi convoquer une audience, mais tout de même rejeter le recours, le plus souvent parce qu’il est considéré que l’urgence n’est pas démontrée et/ou que les échecs à obtenir un rendez-vous ne sont pas assez nombreux.
Dans ces deux situations, la décision négative du tribunal n’a pas d’impact sur la suite de vos démarches. Rien n’interdit de déposer une nouvelle requête, quelque temps plus tard après avoir rassemblé de nouvelles preuves de tentatives accomplies pour obtenir le rendez-vous désiré, et en insistant sur les conséquences des difficultés rencontrées.
Avant de redéposer une requête, lisez bien le rejet précédent afin de comprendre comment vous pourrez améliorer le dossier. Il vous faut savoir que des personnes obtiennent satisfaction en insistant, après le recours devant un tribunal, ou avec un nouveau recours. Donc, il ne faut pas se décourager parce qu’on a perdu devant un tribunal !
Pour information, il existe d’autres voies de recours. Il y a par exemple le référé « liberté » ou le référé « suspension » qui peuvent également être utilisés face aux difficultés d’accès aux préfectures. Toutefois, pour l’obtention d’un rendez-vous, la procédure décrite ici est presque toujours la plus appropriée. L’intérêt de s’engager dans d’autres procédures doit être examiné au cas par cas, avec l’aide de juristes ou d’avocat.